La banque, qui bénéficie de la garantie personnelle d’une caution, sans lui avoir fourni aucun service au sens de l’article L. 137-2, devenu L. 218-2 du code de la consommation, voit son action contre cette dernière non soumise à la prescription biennale.

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 6 septembre 2017
N° de pourvoi: 16-15331
Publié au bulletin

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 1er octobre 2015), que, par acte notarié du 14 septembre 2007, la Société générale (la banque) a consenti un prêt immobilier à la société civile immobilière Saint-Lucien (la SCI), garanti par le cautionnement solidaire de M. et Mme X… (les cautions) ; qu’à la suite d’incidents de paiement, la banque a, le 21 janvier 2011, prononcé la déchéance du terme, puis assigné, le 13 septembre suivant, les cautions en paiement du solde du prêt ; qu’elle a, le 27 mars 2013, assigné en intervention forcée M. Y…, pris en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de M. X… ;Sur le premier moyen :Attendu que Mme X… et M. Y…, ès qualités, font grief à l’arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription biennale de l’action en paiement de la banque, alors, selon le moyen :

1°/ que l’action des professionnels pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs se prescrit par deux ans ; qu’en jugeant que c’était « la personne morale qui bénéficie du service financier de la banque et non les cautions, personnes physiques, qui fournissent une garantie à la banque » et « que la fin de non-recevoir tirée de la prescription biennale n'[était] pas personnelle aux deux cautions, personnes physiques et qu’elles ne [pouvaient] s’en prévaloir qu’au titre des exceptions qui appartiennent aux débiteurs et qui sont inhérentes à la dette » quand l’action en paiement exercée par la banque contre une caution a pour objet le remboursement par un tiers garant du prêt consenti par un professionnel à l’emprunteur de sorte qu’exercée contre un consommateur elle est soumise à la prescription biennale, la cour d’appel a violé l’article L. 137-2 du code de la consommation ;

2°/ que l’obligation qui résulte du cautionnement s’éteint par les mêmes causes que les autres obligations ; qu’en jugeant que la prescription biennale n’était « pas personnelle aux deux cautions, personnes physiques et qu’elle ne [pouvait] s’en prévaloir qu’au titre des exceptions qui appartiennent aux débiteurs et qui sont inhérentes à la dette » quand la caution est fondée à se prévaloir de l’extinction par prescription de sa propre obligation à titre principal, la cour d’appel a violé les articles 1234 et 2311 du code civil ;

Mais attendu qu’ayant relevé que la banque avait bénéficié de la garantie personnelle des cautions, sans leur avoir fourni aucun service au sens de l’article L. 137-2, devenu L. 218-2 du code de la consommation, la cour d’appel en a exactement déduit que la prescription biennale édictée par ce texte était inapplicable à l’action en paiement litigieuse ; qu’inopérant en sa seconde branche, le moyen n’est pas fondé pour le surplus ;

Sur le second moyen :

Attendu que Mme X… et M. Y…, ès qualités, font grief à l’arrêt d’accueillir l’action en paiement de la banque et de rejeter leur demande de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :

1°/ que l’erreur sur la cause, même inexcusable, est une cause de nullité de l’engagement ; qu’en jugeant que les cautions n’étaient pas fondés à se prévaloir de la nullité de l’engagement aux seuls motifs qu’ils n’établissaient pas que la banque s’était engagée à consentir au débiteur principal, en sus du prêt immobilier, un crédit destiné à financer les travaux, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si les cautions n’avaient pas pu se méprendre – serait-ce au prix d’une erreur inexcusable – sur l’existence d’un engagement de consentir un crédit pour financer les travaux souscrit par la banque, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1131 du code civil ;

2°/ que, dans leurs conclusions, M. Y…, ès qualités, et Mme X… soutenaient que l’engagement de caution de M. et Mme X… « qui aurait été fourni en raison de la croyance erronée, qu’ils avaient, d’obtenir le financement des travaux reposerait sur une fausse cause » et se prévalait d’une erreur sur la cause de leur engagement ; qu’en jugeant que les cautions n’avait pas commis « d’erreur ayant vicié leur consentement sur la viabilité de leur projet immobilier », la cour d’appel a dénaturé les termes du litiges, en violation de l’article 4 du code de procédure civile ;

3°/ que, dans leurs conclusions, M. Y…, ès qualités, et Mme X… faisaient valoir qu’était déloyal le comportement de la banque consistant à mettre fin à l’autorisation de découvert consentie à la SELARL X… après avoir sollicité et obtenu de M. X… l’engagement de se porter caution en remboursement de sommes dues par la SARL ; qu’en se bornant à juger que la banque avait résilié l’autorisation de découvert avec un préavis conforme à la réglementation sans répondre ce moyen déterminant, la cour d’appel a violé l’article 455 du code civil ;

Mais attendu qu’ayant souverainement estimé que la banque ne s’était pas engagée à financer les travaux de rénovation de l’immeuble acquis par la SCI, de sorte qu’un tel financement n’avait pu entrer dans le champ contractuel du cautionnement litigieux et ainsi fonder une erreur sur la cause de celui-ci, la cour d’appel n’était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante ; qu’elle n’avait pas non plus, s’agissant de la résiliation de l’autorisation de découvert, à répondre à une allégation dépourvue d’offre de preuve ; que le moyen, qui s’attaque en sa deuxième branche à des motifs erronés mais surabondants, ne peut être accueilli ;

Publié le 25 septembre 2017

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