L’action contre le tiers saisi en cas de saisie conservatoire se prescrit par cinq ans à compter de la signification du jugement de condamnation du débiteur

Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 6 septembre 2018
N° de pourvoi: 17-18955
Publié au bulletin

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 30 mars 2017), qu’après y avoir été autorisée par ordonnance du 21 mai 2001, la caisse de Crédit agricole Centre-Est, aux droits de laquelle est venue la société Girardet, a fait procéder, le 31 mai 2001, à une saisie conservatoire des sommes détenues pour le compte de M. et Mme B… entre les mains de l’association témoin pour la retraite, l’assurance et l’investissement (Atrai) et de la société Axa courtage ; que par actes des 20 juin et 19 septembre 2014, la société Girardet a assigné respectivement la société Axa courtage et l’Atrai, d’une part, et la société Axa France vie, d’autre part, pour obtenir la condamnation de celles-ci au paiement des causes de la saisie sur le fondement de l’article R. 523-5 du code des procédures civiles d’exécution ;

Attendu que la société Girardet fait grief à l’arrêt de la déclarer irrecevable en ses demandes à l’encontre de la société Axa France vie comme étant atteintes par la prescription, alors, selon le moyen :

1°/ que la demande du créancier saisissant, tendant à voir condamner le tiers saisi qui a violé son obligation de renseignement à payer les causes de la saisie, consiste à poursuivre à l’encontre dudit tiers l’exécution du titre exécutoire en vertu duquel la saisie avait été pratiquée à l’encontre du débiteur saisi ; qu’il en résulte qu’une telle demande ressortit au régime de l’exécution des titres exécutoires judiciaires et se prescrit par dix ans ; qu’au cas présent, pour déclarer irrecevable la demande présentée par la société Girardet contre Axa France vie à fin de voir celle-ci condamnée à payer les causes de la saisie pratiquée contre les consorts B…, la cour d’appel relève qu’une telle demande consisterait en une action personnelle se prescrivant selon le délai quinquennal de droit commun, déjà écoulé ; qu’en statuant ainsi, cependant que la demande de Girardet consistait à poursuivre contre Axa France vie l’exécution d’une cause déjà constatée par un titre exécutoire judiciaire, la cour d’appel, qui, confondant les alinéas premier et second de l’article R. 523-5 du code des procédures civiles d’exécution, n’a pas appliqué le régime de prescription qui s’imposait et devait conduire à constater la recevabilité de la demande de Girardet à cet égard, a violé l’article L. 111-4 du code des procédures civiles d’exécution, ensemble l’article 2224 du code civil ;

2°/ qu’en tout état de cause, que, en matière d’action personnelle, le point de départ du délai de prescription quinquennal de droit commun est fixé au jour où le titulaire du droit d’action a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ; que, à supposer que le premier alinéa de l’article R. 523-5 du code des procédures civiles d’exécution institue une action personnelle, pour que le créancier saisissant puisse demander la condamnation du tiers saisi à payer les causes de la saisie, ces dernières doivent être constatées définitivement et irrévocablement en justice, de sorte que le caractère irrévocable du titre exécutoire judiciaire qui constate lesdites causes est nécessaire à l’action du créancier ; qu’au cas présent, la cour d’appel a fixé le point de départ de la prescription de l’action de Girardet contre Axa France vie au jour de la signification de la conversion de la saisie conservatoire exercée par lui contre les consorts B… ; qu’en statuant ainsi, sans relever que le titre exécutoire judiciaire ayant présidé à la saisie n’était devenu irrévocable qu’après l’ordonnance de péremption rendue en 2010 par la Cour de cassation, la cour d’appel, qui, pour déterminer le point de départ de la prescription de l’action de Girardet, n’a pas tenu compte de la date de fixation définitive et irrévocable des causes de la saisie, dont la connaissance était essentielle à l’exercice de ladite action contre Axa France vie, a violé l’article 2224 du code civil, ensemble l’article L. 523-5 du code des procédures civiles d’exécution ;

3°/ qu’en tout état de cause, que, en matière d’action personnelle, le point de départ du délai de prescription quinquennal de droit commun est fixé au jour où le titulaire du droit d’action a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ; que, pour que le créancier saisissant puisse demander la condamnation du tiers saisi à l’indemniser du dommage ayant découlé de ses déclarations mensongères ou négligentes, il importe que ledit dommage soit établi ; qu’au cas présent, la cour d’appel a fixé le point de départ de la prescription de l’action indemnitaire, présentée à titre subsidiaire, de Girardet contre Axa France vie, au jour de la signification de la conversion de la saisie conservatoire exercée par lui contre les consorts B… ; qu’en statuant ainsi, sans relever que le titre exécutoire judiciaire ayant présidé à la saisie n’était devenu définitif et même irrévocable qu’après l’ordonnance de péremption rendue en 2010 par la Cour de cassation, la cour d’appel, qui, pour déterminer le point de départ de la prescription de l’action en responsabilité de Girardet, n’a pas tenu compte de la date de cristallisation du dommage souffert par ce créancier, dont la connaissance était essentielle à l’exercice de ladite action indemnitaire contre Axa France vie, a violé l’article 2224 du code civil, ensemble l’article L. 523-5 du code des procédures civiles d’exécution ;

Mais attendu, d’une part, que le créancier qui agit à l’encontre du tiers saisi pour le faire condamner, sur le fondement de l’article R. 523-5 alinéa premier du code des procédures civiles d’exécution, au paiement des sommes pour lesquelles la saisie conservatoire des créances a été pratiquée n’exécute, à l’égard de ce tiers saisi, aucun titre exécutoire, de sorte que la prescription décennale prévue par l’article L. 111-4 du code des procédures civiles d’exécution n’est pas applicable à cette action ;

Et attendu, d’autre part, que cette action, qui n’est pas soumise à la démonstration d’un dommage, peut être introduite à compter de la signification de la décision, même susceptible de recours, condamnant le débiteur au paiement des sommes pour lesquelles la saisie est pratiquée ;

D’où il suit que le moyen, qui manque en droit, ne peut être accueilli ;

Publié le 23 octobre 2018

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