LE MORT ET LE CONGE DU BAIL D’HABITATION SOUS LA LOI ALUR: CA PARIS du 19.11.21

Nous avions publié en 2019 cet article sur les conséquences de la Loi ALUR du 24 mars 2014 sur les congés de l’article 15 de la Loi du 06 juillet 1989.Nous le mettons à jour en raison d’un arrêt de principe de la Cour d’appel de Paris du 19 novembre 2021.

La loi ALUR a renforcé les droits du locataire qui voient le bien loué vendu occupé.

Le texte de la Loi ALUR prévoit en effet qu’en cas « d’acquisition d’un bien occupé » :

– lorsque le terme du contrat de location en cours intervient plus de 3 ans après l’acquisition, le bailleur peut donner congé pour vendre au terme du contrat de location ;

– lorsque le terme du contrat de location intervient moins de 3 ans après la date d’acquisition, le bailleur ne peut donner congé à son locataire pour vendre le logement qu’au terme de la première reconduction tacite ou du premier renouvellement du contrat de location en cours ;

– lorsque le terme du contrat en cours intervient moins de 2 ans après l’acquisition, le congé pour reprise donné par le bailleur au terme du contrat de location en cours ne prend effet qu’à l’expiration du délai de 2 ans à compter de la date d’acquisition.

Un débat doctrinal est intervenu concernant la notion « d’acquisition ».

Certains, tel que le CRIDON (Outil de recherche de documentation notariale réservé aux notaires abonnées), ont considéré que seules les acquisitions à titre onéreux étaient concernées.

D‘autres, comme la Chambre des Huissiers de Paris, ont considéré au contraire que l’ensemble des acquisitions, qu’elles soient à titre onéreux ou gratuit, étaient concernées.

La jurisprudence était attendue.

Un arrêt de la Cour d’Appel du 12 mars 2019 avait indiqué qu’en cas d’héritage, le renouvellement et la prorogation du bail prévus à l’article 15 ne s’appliquait pas à l’héritier, en raison de la nature particulière de la dévolution successorale, qui intervient par l’effet des règles légales la gouvernant et sans autre manifestation de volonté que l’acceptation.
(Cour d’Appel de Paris, 12 mars 2019 : n°16/17263)

Dans le même temps, le Tribunal d’Instance de Paris a considéré qu’un legs relevait de la notion d’acquisition.
(Tribunal d’Instance de Paris, 22 mars 2019 : n°11-18-218105)

Ces jurisprudences allaient à notre avis dans le sens d’une interprétation « juste » de la loi ALUR.

En effet et dans le cadre de l’héritage, l’héritier poursuit la personne du défunt, conformément à l’article 714 du Code Civil.

Le défunt, qui était propriétaire, n’a accompli aucun acte juridique positif entrainant un transfert de propriétaire.

C’est simplement le décès du défunt qui a entrainé l’application de la Loi concernant les droits des héritiers.

L’héritier poursuit d’ailleurs la personne du défunt.

Par contre et en matière de legs, comme cela pourrait d’ailleurs être le cas en matière de donation, il y a un acte positif établi par le propriétaire en vue de transférer la propriété.

La Cour d’appel de Paris a suivi cette distinction et a décidé le 19 novembre 2021 par un arrêt de principe (COUR D’APPEL DE PARIS Pôle 4 – Chambre 3 19 NOVEMBRE 202119/05893) :

«  En tout état de cause, les dispositions précitées de l’article 15 I. de la loi
n°89-462 du 6 juillet 1989, s’agissant de l’acquisition d’un bien occupé évoquent « un contrat
de location en cours », dont il est constant en l’espèce que le terme arrivait à échéance le 30
juin 2018.
Or, l’acquisition datant du 21 août 2015, c’est donc à bon droit que le premier juge
a retenu que le terme du contrat de location en cours intervenait moins de trois ans après
la date d’acquisition et que l’association X ne pouvait donc donner congé à
son locataire pour vendre le logement qu’au terme de la première reconduction tacite ou du
premier renouvellement du contrat de location en cours, soit pas avant le 30 juin 2021 et
donc au plus tôt pour le 30 juin 2024.
L’association X fait valoir, de seconde part, que le bien lui a été
légué et qu’elle ne l’a pas acquis à titre onéreux. Mais le premier juge a exactement apprécié
que cette condition n’était pas prévue par l’article 15 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989,
texte d’ordre public, le legs faisant partie des modes d’acquisition dérivés de la propriété »

Publié le 13 mai 2019

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